Samanta Goulet
est étudiante en création littéraire à l’UQAM et future étudiante en édition. Son site Angoisse anonyme est né sur les réseaux sociaux en plein mois de février 2019 et a pour but de déstigmatiser l’angoisse, l’anxiété et la santé mentale à travers les arts -l’écriture, la photographie et même la peinture-, et ce, en tentant d’éviter toute référence au genre.
Noyer l’écume
Il y avait une roche, au bord de la mer, si près que, parfois, elle y disparaissait complètement. J’avais pris l’habitude de m’y recoudre. Au rythme des vagues, je refermais ma chair. Le fil d’écume entrait, coinçait, sortait et la mer se fracassait en soupir sur mes pieds. Je me regardais dans ses grands yeux noirs, sans pleurer. On ne pleure pas la fin du monde. On la vit, c’est tout.
Le fil entrait et sortait et entrait et coinçait et sortait et entrait, sans répit. Il y avait tant à recoudre.
Je cousais jusqu’à avaler la tasse. Jusqu’à m’étouffer dans la colère de l’océan, dans la mienne aussi… Je refermais toutes ses histoires sans fin, sans châtiment pour le grand méchant loup, sans damnation pour le cruel, le monstrueux. Je me refermais avec eux, pour toutes ses fois où je n’ai pas su te protéger. Pour me souvenir, pour porter ton fardeau avec toi. Je serrais les dents, la mer hurlait.
Le fil entrait et sortait et entrait et coinçait et sortait et entrait, sans répit. Je l’aurais cousu avec moi si j’avais pu. Je te le jure, je l’aurais fait. J’aurais cousu ses mains sur ma peau pour l’empêcher de toucher à la tienne, j’aurais… mais ça ne change rien.
Sur cette roche, au bord de la mer, j’ai tenté de coudre mon impuissance déchirante. J’ai tenté de noyer ma haine et mes peurs. Sur cette roche, si près de la mer, le fil vint à manquer.
On ne recoud pas la fin du monde. On espère un lendemain, c’est tout.
Samanta Goulet, 23 ans
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