Travaux terminés de la 147 (partie 1)

La route 147 en terre | Photo: Clément Vaillancourt

Danielle Goyette

Rédactrice en chef et journaliste

Jordane Masson

Journaliste

Clément Vaillancourt

Collaborateur
06.11.2024

Les travaux de la 147 ont grandement perturbé la vie au coeur de notre village. Plus d’un commerçant et un grand nombre de citoyens et citoyennes en ont été bouleversés.

Certains que l’équipe de L’écho a contactés ont accepté de témoigner de leur vécu, car il était important pour eux de tenter de faire le point sur cet été 2024. D’autres ont préféré s’abstenir.

Entrevues par Jordane Masson et Danielle Goyette

Photos : Clément Vaillancourt

« On a manqué d’informations et de communications »

Chantal Dionne et Éric Portelance de la Pharmacie Proxim comprennent bien qu’il était essentiel de refaire ces importants travaux de refonte des structures d’aqueduc à Compton, mais ils se questionnent encore sur les échanges d’information qui ont été plutôt déficients. Comme dans tout projet de construction et de rénovation, il y a toujours des imprévus, mais ce qui les a surtout affectés, c’est l’accès difficile aux commerces pour les citoyens.

« On nous avait bien sûr avisés qu’il y aurait des travaux sur la 147, mais ce qui nous a surpris, c’est que la première journée du début du chantier, la route était déjà entièrement fermée, le dynamitage commençait, ce n’était pas une voie ouverte d’un côté pour le passage des voitures. La pharmacie devenait tout à coup inaccessible ou presque, car ce n’était vraiment pas évident de venir jusqu’ici, on ne pensait pas que le chemin serait difficile d’accès à ce point-là, » nous dit Chantal. Éric ajoute : « Le vendredi précédant les travaux, nous avons été avertis que le système d’aqueduc allait être coupé le lundi suivant pour le début des travaux. Mais il n’y a pas eu d’échange sur l’affichage, l’accessibilité aux commerces et la circulation locale. De plus, personne ne nous a avisés que le terrain voisin allait servir de stationnement pour toute la machinerie et que leur circulation passerait par l’entrée de la pharmacie. Le lundi matin quand on est rentrés travailler, il y avait de la grosse machinerie qui bloquait le passage vers la pharmacie et c’est sans parler de toute la poussière que leurs déplacements provoquaient. »

Beaucoup de questions, peu de réponses

« Puis, il y a eu une journée d’information un jeudi après-midi alors que l’on ne pouvait pas quitter la pharmacie, on était en plein travail. Donc, on n’a pas pu être présents. Nous avons fait des propositions par écrit qui auraient peut-être pu minimiser les problèmes que les commerçants vivaient ou, du moins, apaiser l’inquiétude de nos clients, mais on n’en a pas tenu compte. »

Chantal raconte aussi qu’ils ont reçu un grand nombre d’appels de gens qui tentaient de se rendre à la pharmacie. « On a passé beaucoup de temps à expliquer comment venir ici. Mais parfois, le chemin changeait soudainement selon les étapes de la construction. Les signaleurs n’étaient pas toujours sur place et en plus, comme on est ouverts le samedi et jusqu’à 19 h la semaine, parfois, il n’y avait carrément pas de signaleurs. Puis, l’absence d’affiches claires a rendu aussi l’accès très difficile. Enfin… j’espère que tous ces problèmes que nous avons vécus ne se reproduiront pas si d’autres travaux du genre se font à nouveau dans notre village. »

« Les journées de livraison des médicaments ont été pas mal plus chargées et les déplacements beaucoup plus compliqués », complète Éric.

Quant à l’impact pour le commerce, ce sont surtout les ventes pour les produits sur le plancher qui ont grandement diminué, termine Chantal. « Par contre, on a été soulagés de ne pas avoir de transferts de dossiers. Nos clients qui ont des prescriptions chez nous nous sont restés fidèles. On demeure d’ailleurs très reconnaissants envers eux. »

Un grand manque de communication

« Tout le monde voulait que ça se termine rapidement, mais plusieurs étaient prêts à retarder le tout par leur impatience en ignorant la signalisation. »

Marc-Gabriel Viens, résident de la 147

« Je dirais que le point le plus négatif qui découle du chantier, ça a été le manque de communication. Je me suis retrouvé un lundi matin, dix minutes avant de partir porter les enfants à l’école, à ouvrir la porte à quelqu’un venu cogner chez moi pour me dire que je perdais l’accès à ma cour dans les prochaines minutes. J’ai trouvé étrange qu’on ne nous laisse pas de délai plus raisonnable ou qu’on ne nous avertisse pas un peu plus à l’avance. J’ai même perdu ensuite l’accès à ma cour pendant cinq semaines, ce qui n’était pas prévu. 

Par contre, le changement de contremaître en plein milieu du chantier, ça a fait toute la différence. L’ancien contremaître n’avait aucune écoute ni empathie envers les résidents du chantier, alors que le nouveau a su prendre le temps de nous écouter et de trouver des solutions.

Une autre chose qui m’a vraiment marqué, c’est le non-respect de la signalisation, surtout par mes concitoyens. Certains déplaçaient même les cônes orange pour passer, puis restaient pris dans le chantier, évidemment. D’autres abîmaient la route, donc le nivelage était toujours à refaire. Cela retardait les travaux chaque fois. C’était très irritant. J’en ai même vu passer sur la pelouse et d’autres sur la piste cyclable en voiture!

Enfin, nous avons été bien contents que les travaux se terminent plus tôt que prévu. Maintenant, nous avons un trottoir et une piste cyclable sécuritaires pour nos enfants. Si la nouvelle rue peut amener les automobilistes à réduire leur vitesse sur la 147, ce sera aussi un autre gros point positif. »

L’aspect humain a été négligé

« Voir mes filles partir pour l’école et marcher dans un chantier plein de trous, alors que les travailleurs autour sont en bottes de caps d’acier, dossard et casque, c’était inacceptable. »

John Acuna, résident de la 147

« Je suis une personne qui aime s’impliquer et qui croit en la nécessité de revenir vers l’esprit de communauté. L’aspect humain a toujours été important pour moi, et c’est ce qui a été absent tout le long de ce chantier. Il n’y avait aucun plan pour les résidents de la zone, pour notre sécurité : où stationner notre voiture, où circuler à pied de façon sécuritaire, quand déplacer notre voiture et pour combien de temps, etc. Pour moi, ce projet est un échec total à l’échelle humaine, alors que c’est le citoyen qui paie pour ce genre de service! Dans tout le processus, je me suis senti oublié, ni écouté, ni respecté. 

J’ai déjà travaillé pour une entreprise qui fabriquait un logiciel pour des entreprises minières, pétrolières et autres projets d’extractions. Celui-ci servait à capturer les commentaires et les plaintes des gens concernés par les projets, donc ça offrait un processus à suivre pour ces personnes. Quand on sait qu’il va y avoir un impact sur l’environnement et sur les gens, ça prend ce type de ressource, que ce soit un logiciel ou un employé. Ici, on ne savait jamais qui contacter, et c’était un vrai lancer de balle entre la MTQ et la Municipalité.

Tout ce que je souhaitais, en tant que citoyen, c’est que mes sentiments soient pris en compte. Le chantier est terminé, mais toute la charge émotionnelle demeure. Il y a eu des suivis pour les dégâts physiques, mais qu’en est-il des impacts psychologiques et émotionnels? C’est nous qui devons vivre avec cela. Et maintenant, tout le monde veut tourner la page comme si rien ne s’était passé, mais c’est déconnecté de la réalité des résidents du chantier. J’espère que toutes les instances concernées vont prendre le temps d’analyser l’événement et apprendre de cet échec pour ne pas le répéter. Même ça, je ne le sens pas et ça me déçoit. On dit merci à tous pour votre patience, merci à la compagnie, puis c’est fini? Aucune rétrospection avec les gens touchés? Il me semble que ce serait la moindre des choses. »

La Vallée des Grands Potagers, aussi grandement touchée par les travaux

« On s’est fait dire : on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Mais dans cette histoire-là, pour ceux qui ont vraiment cassé leurs œufs, il n’y a personne qui va payer pour ces pertes-là. » 

Simon Grenier

Julie Drouin et Simon Grenier, propriétaires de la Vallée des Grands Potagers, disent avoir été grandement affectés dès les débuts des travaux de la 147. « Notre saison commençait le 9 juin et les travaux ont commencé le 10 juin. Quand ils ont installé les barrières, ça donnait vraiment l’impression que la 147 était fermée entre le chemin de La Station et le chemin Drouin. C’était si intimidant que même ma fille qui vit à Sherbrooke nous a demandé comment elle allait faire pour venir travailler avec nous vu que la route était complètement fermée. La pancarte à quelques kilomètres du village qui annonçait Route barrée ainsi que la barrière au chemin Drouin ont vraiment poussé les gens à s’en retourner ou à ne pas venir, », raconte Julie.

« C’aurait été bien que l’on soit consultés pour proposer des idées pour que les choses s’organisent mieux pour notre saison. Entre autres, pourquoi les travaux n’ont-ils pas commencé en avril au lieu de juin? La Municipalité pensait peut-être que les travaux auraient moins d’impact et c’est peut-être pour cela qu’ils ne s’inquiétaient pas. », nous dit Simon.

Des pertes importantes

« Je sais qu’ils ont tenté dans les mois suivants de changer les pancartes, de faire de la publicité ou d’annoncer sur une affiche que les commerces étaient accessibles, mais le mal était fait, les clients n’étaient plus au rendez-vous. La 147 n’était plus utilisée et ne l’a plu été par la suite, renchérit Julie. Sur Google Map, on disait que la 147 était inaccessible. Moins de 25 % de nos clients habituels passaient encore devant notre site.

Une chance qu’on a quand même une clientèle vraiment fidèle qui est venue nous voir. Mais tous les clients de passage – et on en a habituellement beaucoup-, eux, ils ne sont pas venus. Dans nos ventes, on a bien ressenti la grosse baisse d’achalandage. Juste pour les fraises, c’est 75 % de moins qu’à l’habitude. On a congelé tout ce que l’on pouvait, mais on a eu de la perte. Du côté de mes pots de produits transformés, c’est 50 % de moins de ventes. On a eu des offres amicales d’aller installer un kiosque de vente ailleurs, mais pour nous, c’était de la main-d’œuvre de plus, alors qu’on voyait bien qu’on avait d’importantes pertes financières et que ces frais-là auraient été de trop. Et nous deux, avec nos 70-80 heures de travail par semaine, on ne pouvait pas se déplacer. »

En conclusion, Julie et Simon jettent un regard plutôt sombre sur cet été de bouleversements. Ils accusent un gros manque à gagner qui les inquiète pour les mois à venir. Julie conclut « Il va falloir se creuser la tête pour trouver des solutions pour se sortir la tête hors de l’eau et se réinventer. Même si notre banque nous offre certaines conditions afin de nous aider, encore faut-il pouvoir faire nos paiements! Et l’an prochain, comment pourrons-nous acheter nos semences et préparer la prochaine saison si on a eu une saison aussi déficitaire cette année? »
En conclusion, Julie et Simon jettent un regard plutôt sombre sur cet été de bouleversements. Ils accusent un gros manque à gagner qui les inquiète pour les mois à venir. Julie conclut « Il va falloir se creuser la tête pour trouver des solutions pour se sortir la tête hors de l’eau et se réinventer. Même si notre banque nous offre certaines conditions afin de nous aider, encore faut-il pouvoir faire nos paiements! Et l’an prochain, comment pourrons-nous acheter nos semences et préparer la prochaine saison si on a eu une saison aussi déficitaire cette année? »

« Pour le maïs, c’est un gros 50 % de vente de moins. Si bien qu’à un moment donné, on a décidé de cesser de le récolter pour ne pas payer d’employés pour rien et on a laissé le maïs au champ. » 

Simon

« Je pense qu’en tant que clients, citoyens ou commerçants, on a manqué d’informations pour voir comment mieux vivre ça. Nous, on était au front, touchés directement par les travaux et on devait tenter de récupérer le plus de clientèle possible, mais on ne savait pas comment les attirer, car les gens contournaient carrément notre site par le détour en pensant qu’ils n’avaient pas droit d’accès. »

Julie

Lisez d’autres témoignages dans la partie 2




À propos de Danielle Goyette

Rédactrice en chef et journaliste
Bachelière en Études françaises, option Rédaction-Recherche, en 1981, avec un certificat en Publicité à l’Université de Montréal en 1988, Danielle a travaillé comme conceptrice-rédactrice publicitaire et réalisatrice pour Télémédia Communications pour se consacrer ensuite au journalisme à la pige. Elle a été honorée à quelques reprises pour ses textes. En parallèle de son métier de journaliste, elle a publié 22 livres, accordé de nombreuses entrevues aux médias et offert des animations dans les écoles pendant plusieurs années. Elle a commencé à réviser L’écho de Compton en 2014 et en est devenue la rédactrice en chef en 2018. (Photo: Jessica Garneau)


Biographie de Jordane Masson

Journaliste
Native de Martinville, Jordane Masson habite à Compton depuis 2015, et elle a rejoint l’équipe de L’écho de Compton comme journaliste pigiste en 2017. En tant que journaliste pigiste, elle s’occupe de différentes chroniques comme L’écho des Petits, Compton au boulot, Je bénévole et Les Grandes Familles de Compton. Son travail lui demande donc de faire des entrevues, de prendre des photos et de rédiger des articles de différentes longueurs, selon le sujet. En plus de son travail pour L’écho, Jordane est coordonnatrice de la bibliothèque; elle participe à la gestion du milieu et à la programmation des activités, en plus d’animer certaines activités pour les jeunes. (Photo: Jessica Garneau)


écho de Compton, collaborateur, Clément Vaillancourt

Biographie de Clément Vaillancourt

Clément Vaillancourt a toujours aimé faire un peu de bénévolat. Déjà quand il était à l’Ireq à Varennes, il s’occupait du Club de Radioamateur. À la retraite dans Charlevoix, il a été le président de la Société d’horticulture et d’écologie pendant 12 années. À Compton depuis 2015, il a fait partie du Comité Consultatif d’Urbanisme et du Comité d’environnement à la municipalité pendant 5 ans. Il fait de la photo en amateur pour L'écho et pour la municipalité et il est toujours actif comme trésorier et responsable des communications à la Société d’histoire de Compton.
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