Cultures croisées 2020-21: l’art, la terre et les racines – Des artistes inspirées, des producteurs enchantés

Les artistes de Cultures croisées 2020-21 : Nancy Roy, Lucie Vincent, Regine Neumann, Natali de Mello, Faustine Gruninger, Chantal Lafond et Marie-Pierre Ranger

Entre l’artiste créant une oeuvre et un agriculteur, il y a beaucoup de points en commun: d’abord le labour ou l’exploration, puis la semence ou l’idée et finalement le fruit de la création. Ce qui diverge, c’est la matière que l’on manipule pour créer et le regard que l’on porte sur notre environnement. Le projet Cultures croisées, c’est tout cela et bien plus encore!

En août dernier, la deuxième édition du projet Cultures croisées était lancée sous la coordination de La Maison des Arts St-Laurent de Compton et des Comptonales. Cette expérience de croisement entre des artistes et quatre producteurs agricoles se présente à nouveau comme un succès en bonne marche de création. Depuis quelques mois, les artistes ont sillonné les terres des producteurs, elles ont discuté avec eux, elles se sont laissées inspirer par l’ambiance des lieux. Ce grand projet culturel imaginé par la regrettée Patricia Pleszczynska, l’artiste Janick Ericksen et Michèle Lavoie, se conclura à l’automne 2021 par une exposition des œuvres nées de ces rencontres uniques à la Maison des Arts St-Laurent à Compton.

Mais déjà, les artistes et les producteurs nous parlent de leurs rencontres et de leurs inspirations.

Natali de Mellon jumelée à la Ferme Ferland

Natali de Mello

– Natali de Mello est une artiste d’origine brésilienne vivant à Sherbrooke depuis quatre ans. Elle a déjà visité la ferme Ferland à plusieurs reprises et ramassé ici et là sur la terre, des matériaux susceptibles de lui servir en cours de création. « Je travaille avec les différents paysages que la ferme produit durant les saisons. J’ai pris des photos, j’ai fait des croquis… Je vais faire de la peinture à base du lait de la ferme et de différents matériaux de la nature comme colorants naturels. Je vais aussi fabriquer mon papier à partir de papiers de la ferme qu’ils veulent recycler. Je vais travailler avec du charbon à partir du bois brûlé pour faire bouillir l’eau de leur érablière. J’ai aussi découvert en parlant avec Jacques à quel point leur vie change selon les saisons. Je veux explorer les changements de paysages. Les saisons définissent la culture de la terre, mais aussi la vie de toute la famille. Jacques est quelqu’un de fort sympathique avec qui je pourrais parler longtemps ! »

« Natali nous a donné l’un de ses croquis qu’elle a fait sur du papier qu’elle a fabriqué et avec sa peinture à base de lait, nous raconte Jacques Ferland. C’est vraiment très beau et j’ai bien aimé la texture de ce papier-là. J’aime bien cette rencontre, même si j’ai encore du mal à comprendre ce qu’elle va faire ! Elle vient se promener sur la ferme quand elle veut, je vois régulièrement son auto et je la vois marcher lentement sur les terres. C’est beau de la voir aller. J’ai bien hâte d’admirer le résultat final ! »

Lucie Vincent jumelée au Verger Le Gros Pierre

Lucie Vincent

L’artiste enseignante Lucie Vincent est nouvellement installée à Compton. Comme le projet a pris naissance à l’automne, il fut un peu plus difficile pour l’artiste de prendre le temps de jaser avec les copropriétaires Gaétan Gilbert et Mélanie Éliane Marcoux. « J’y suis allée quelques fois et malgré qu’ils soient bien occupés dans le temps des pommes, j’ai été enchantée par leur gentillesse et leur salut lorsque je passais pour aller marcher dans le verger. Mélanie Éliane m’a fait visiter les lieux. J’ai pris plein de photos entre autres des matins où il n’y avait personne dans le verger. C’est tellement beau ! Je pouvais découvrir les lieux paisiblement et j’ai peint quelques tableaux à l’huile et à l’acrylique sur pièce de bois à partir de ces photos-là. J’ai bien hâte au temps des fleurs, autre autres. Je me promets d’autres rencontres avec eux, pour qu’on ait le temps de discuter ensemble. »

Mélanie Éliane et Gaétan ont aussi bien apprécié leur contact avec Lucie. « C’est une dame d’une grande gentillesse, discrète, nous dit Mélanie. Je lui ai présenté le verger, son histoire, nos façons de faire, nos pratiques culturales, etc. Nous aurions beaucoup aimé passer plus de temps avec elle. Cependant, avec la pandémie et la surcharge de travail à l’automne, ce fut très difficile. Mais on se promet de se rattraper dans les semaines qui viennent ! Il est vraiment inspirant de voir une artiste sur nos terres et de regarder la beauté du verger sous un autre angle que le nôtre. Nous trouvons le verger beau et en santé, mais souvent on le voit sous un aspect technique. Son regard est différent ! »

Regine Neumann et trois étudiantes jumelées à la Ferme les Broussailles

Chantal Lafond, Faustine Gruninger, Marie-Pierre Ranger et Regine Neumann

– L’artiste Regine Neumann vit dans le Canton de Hatley et enseigne à l’Université Bishop’s. Elle a proposé de travailler en collectif avec trois artistes étudiantes, Faustine Gruninger, Chantal Lafond et Marie-Pierre Ranger, à qui elle enseigne en art. « Nous allons fabriquer du papier afin d’en créer nos œuvres. Nous avons eu le plaisir de passer plusieurs fois à la ferme. Et cela nous a bien inspirées. On a créé quatre journaux baptisés Les Quatre Saisons qui nous serviront à documenter notre processus de création et qui réunissent nos idées, nos essais et nos gribouillages. On y travaille autant de façon individuelle que collective. C’est un bel échange. Chacune y développe sa propre pensée, ce qui l’allume le plus, ce qu’elle retient de ces visites, de l’ambiance de la ferme. Nous permettre de partager ces moments, c’est d’une grande générosité. On a vu autant le côté romantique de la ferme que les difficultés du quotidien. Le fait de partager ces moments répartis sur une année est un privilège. Tout ce qu’on y vit suscite beaucoup de réflexion chez nous. Cela donnera entre autres des toiles peintes, de la broderie sur peinture, des sculptures et aussi des livres d’artistes avec des estampes… »

Du côté de la ferme, Julie Labrecque et Jean-François Clerson ont été bien heureux de prendre part à cette aventure. « Regine et ses trois étudiantes sont très enthousiastes. Elles nous remercient toujours quand elles viennent, c’est très touchant! À Noël, elles sont venues nous porter une jolie carte qu’elles avaient fabriquée avec du papier dont les matériaux venaient de la ferme. Pour moi, le lien qu’on peut établir entre la culture et l’agriculture est très important. C’est merveilleux que la culture se rende dans la campagne et sorte ainsi des musées. La dernière fois qu’elles sont venues, ce fut bien touchant, car c’était en période de mise bas et certains moments ont été très difficiles et on a partagé ensemble beaucoup d’émotions. »

Nancy Roy jumelée à la Ferme Lennon

Nancy Roy

– L’artiste Nancy Roy est Comptonoise. « Ce qui m’a plu dès le départ, c’est la grande ouverture de Patricia Sévigny, la copropriétaire de la Ferme Lennon avec Philippe Lessard. Elle est vraiment généreuse de son temps et de tout ce qu’elle avait à me raconter sur la ferme. Avant de m’y rendre, j’avais fait des recherches sur le Web et j’étais déjà conquise ! Leurs valeurs ressemblaient vraiment aux miennes. Toute l’histoire familiale de différentes générations est fascinante aussi. On a parlé de la vie à la ferme, son rythme, son quotidien, la famille, la vie du couple qui se complète bien. Le cœur et l’amour bien présents dans cette famille tissée serrée m’inspirent beaucoup. J’ai aussi appris que les cochons, ce n’était pas super salauds comme le mythe le dit souvent, qu’ils ont la peau fragile, c’est pour cela qu’ils se roulent dans la boue, pour se protéger du soleil et des parasites. Le pauvre cochon a bien mauvaise réputation ! Et là, mon contact avec cette boue, ça m’a donné le goût de me mettre les mains dans la glaise… En plus, ils n’ont pas que des cochons roses, mais ils ont des variétés rustiques de couleur… J’ai été fascinée par la peau des cochons, leur rugosité, pas pour l’utiliser, mais peut-être pour l’évoquer dans ce que je ferais! »

Du côté de la ferme, Patricia Sévigny nous parle de cette rencontre avec l’artiste. « Lors de ses visites, nous avons beaucoup discuté en nous promenant sur le site. Je l’ai amenée dans plusieurs coins, car notre terre est grande. Je voulais qu’elle puisse voir au-delà de l’élevage des porcs. On a un lac, des secteurs boisés, de beaux paysages, divers points de vue… Elle m’a posé beaucoup de questions sur la ferme, on a aussi jasé sur notre famille, notre quotidien, la place de nos deux enfants Charles et William à la ferme… Ce que j’aimais aussi de l’idée de la présence d’un artiste chez nous, c’était de pouvoir ouvrir une fenêtre sur l’art à nos enfants, les mettre en contact avec ce métier bien différent. Nancy cherche du matériel, soit du bois ou de la tôle sur lesquels elle pourrait travailler entre autres… J’ai vu que la boue semblait beaucoup l’inspirer… Elle a déjà différentes pistes de création et comme elle touche à plusieurs types de médiums, elle demeure ouverte à plusieurs inspirations. C’est fort intéressant de la voir évoluer dans ses recherches ! »

La réalisation de ce projet est rendue possible grâce à l’entente de développement conclue entre le ministère de la Culture et des Communications du Québec et la MRC de Coaticook.

Vous avez aimé cet article? Partagez-le!

S'abonner à l'infolettre?
C’est simple.

Sélectionnez vos champs d'intérêts

Recevez les actualités par courriel!

Je veux m’abonner