En savoir un peu plus sur le temps des sucres

Temps des sucres
Anne-Sophie Larivière et Miloche Vachon

Danielle Goyette

02.04.2023

C’est le temps des sucres! Des acériculteurs de Compton ont accepté de répondre à diverses questions que L’écho leur a posées sur le délicieux univers du sirop d’érable!

Une production internationale à l’Érablière DMR Breault

Le sirop de cette érablière trône sur les tables de plein de gens dans le monde. En plus de leur sirop qui se retrouve ainsi en Allemagne, aux États-Unis et même jusqu’aux Émirats arabes, L’Érablière DMR Breault produit une grande variété d’autres produits d’érable tels que la tire, le beurre, la gelée, le caramel, le sucre granulé, les cornets de tire et de beurre, les suçons, le sirop et les bonbons mous. Alexandre Breault nous en dit un peu plus : « Plus de 90 % de la production de notre sirop d’érable est envoyé à LB Maple Treat, notre acheteur autorisé des Producteurs et Productrices acéricoles du Québec pour la distribution dans le monde, alors que 5 à 10 % est transformé en différents produits pour fins de distribution dans les points de vente au Québec. »

En une grosse journée de production, les Breault peuvent produire jusqu’à 50 à 60 barils qui contiennent chacun 32 gallons de sirop d’érable. Il faut se rappeler que ça prend 40 gallons d’eau d’érable pour faire un seul gallon de sirop. « En une saison complète, on peut produire entre 15 000 et 17 000 gallons de sirop, mais ça dépend toujours de bien des facteurs, parce que c’est quand même la nature qui décide après tout! » conclut Alexandre.

Érick Breault, Jean-Luc Robitaille et Alexandre Breault de l’Érablière DMR Breault
Érick Breault, Jean-Luc Robitaille et Alexandre Breault de l’Érablière DMR Breault. Photo: Danielle Goyette

Une petite production pour les clients des alentours à l’Érablière de la Vallée des Grands potagers

Simon Grenier et Julie Drouin nous expliquent qu’ils ont une petite production de sirop d’érable dont ils sont tout de même bien fiers. Ils nous disent avec le sourire : « C’est notre sirop qui est le meilleur! Peu importe la catégorie ou la couleur, nous sortons notre sirop en réduit et nous le finissons au densimètre et non au thermomètre, cela nous donne une uniformité de sirop à la perfection. Nous n’avons jamais participé à des concours, donc jamais eu de prix, mais notre clientèle affirme que notre sirop a gagné leurs coeurs. C’est ça qui est le plus important pour nous! »

Simon nous explique qu’en temps des sucres, la température est idéale à -5 °C la nuit et + 5 °C le jour avec un beau soleil le matin. Il ajoute : « Dès que dame Nature dégèle le pied des érables, l’eau est bonne pour faire du sirop, mais souvent très peu sucrée avant le mois de mars. Donc, on attend en mars-avril. Selon l’endroit dans l’érablière, c’est environ quatre à cinq semaines avant Pâques. » Et il termine en nous soulignant que, comme ils ont une petite production, ils peuvent mettre en conserve environ 15 % de leur production de l’année en une seule bonne journée!

Du sirop d’érable bio à l’Érablière de La Station

À l’érablière La Station, on excelle dans la fabrication de sirop d’érable bio qui, d’ailleurs, a été primé à plusieurs reprises. L’érablière compte 5 000 entailles. Martin Bolduc nous explique ce qui fait la différence d’un sirop biologique. « Un sirop certifié biologique doit cadrer dans un cahier de charge défini par le CARTV. [Le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants a été institué en 2006 par le gouvernement du Québec pour mettre en valeur et assurer l’authenticité des produits bioalimentaires d’ici]. Dans ce cahier de charge, il y a plusieurs éléments à respecter afin de pouvoir être certifié. Par exemple, on ne peut pas mettre des entailles comme on le veut sur un arbre, il faut respecter la charte qui nous donne le diamètre minimal pour mettre une et demie ou trois entailles. Il y a aussi une profondeur d’entaillage maximale à respecter. Nous ne pouvons pas utiliser tous les produits de lavage pour nettoyer nos pannes, osmose, bassin, etc. Entre autres, on peut seulement utiliser de l’acide acétique pour nettoyer nos pannes. Il y a aussi une traçabilité du produit qui doit être mis en place. On doit respecter une biodiversité dans la forêt, on ne peut pas y avoir seulement de l’érable, il faut avoir 15 % d’essences compagnes (frêne, merisier, tilleul, etc.). Il y a plusieurs autres aspects à respecter dans le cahier de charge, ceux mentionnés ne sont que les grandes lignes. » 

C’est le moment des entailles dans l’érablière de La Station. Photo: Collection personnelle

Concours La Grande Sève

  • Médaille Grand Or 2021
  • Médaille Argent 2019
  • Médaille Or 2018
  • Médaille Or 2017

Finalement, pour pouvoir être certifié, Martin ajoute qu’il y a un inspecteur(e) qui se rend sur place pour vérifier que tout est bien mis en place et que le cahier de charge est bien respecté. Martin nous explique aussi qu’il n’est pas possible de distinguer un sirop biologique de celui qui ne l’est pas seulement par le goût. La certification biologique s’assure principalement des bonnes pratiques agroenvironnementales. « Il n’y a pas de gage de qualité du produit en soi. Il peut y avoir du sirop biologique de moindre qualité gustative, mais qui respecte tous les aspects d’une bonne pratique agroenvironnementale. Et vice-versa, il peut y avoir un sirop conventionnel d’une qualité gustative exceptionnelle, mais qui ne respecte en aucun point les bonnes pratiques agroenvironnementales. »

temps des sucres, Martin Bolduc
Martin Bolduc à l’œuvre dans l’érablière. Photo: Collection personnelle

Conseils sur la conservation du sirop d’érable à l’Érablière Les Sitelles

temps des sucres, jean-pierre charuest
Jean-Pierre Charuest qui se sucre le bec. Photo: Collection personnelle

Concours Commanderie de l’Érable

  • Médaille d’or en 2018
  • Prix Grand Or 2016 

Pour Jean-Pierre Charuest, le sirop d’érable est à son meilleur quand il est cuit au bon degré pour atteindre la concentration idéale en sucre (66 %), cuit suffisamment longtemps pour développer toute la saveur possible sans le surchauffer et quand il est mis en contenant à la bonne température (85 deg. C.) pour se conserver.

Mais quand l’eau d’érable est-elle prête à être bouillie, elle? Jean-Pierre nous répond. « En début de saison, on sait quand l’eau d’érable est bonne à la production quand elle est propre, qu’elle sent bon, qu’elle n’a pas de mauvais goût. Les systèmes de collecte sous vide à l’aide de tubulures sont désinfectés à l’alcool après la saison. Lorsqu’on commence la collecte, il faut rincer assez longtemps pour éliminer les traces d’alcool en laissant couler l’eau d’érable sans la bouillir. À la fin de la saison, quand la sève apparaît, l’eau d’érable devient blanchâtre. Quand les érables bourgeonnent, le sirop sent et goûte le bourgeon (comme une odeur de chou). On sait alors qu’il est temps d’arrêter. »

Pour bien conserver notre sirop, Jean-Pierre nous suggère quelques pistes. « Le sirop en cannettes, s’il est cuit au bon degré et mis en contenant convenablement, peut se conserver plusieurs années à la température de la pièce dans son contenant original non ouvert. Une fois le contenant ouvert, il doit être conservé au réfrigérateur dans un récipient fermé. Il peut se conserver quelques semaines une fois ouvert, mais il est préférable de le consommer rapidement pour profiter du maximum de saveur. Et n’oubliez pas qu’il se congèle aussi très bien! »

Un tour d’horizon des espèces d’érable à L’Érablière du Village

En plus d’être acériculteur, Maximilien Leblanc-Bolâtre est aussi technicien forestier. Les arbres, il s’y connaissait. C’est pourquoi L’écho lui a posé quelques questions sur les différentes espèces d’érables. Voilà ce qu’il nous précise.

« L’érable à sucre est une variété d’érable à lui seul et est, sans contredit, au Québec, le meilleur producteur d’eau d’érable en raison de son taux de sucre plus élevé. On entaille aussi l’érable rouge et en cas moins commun, l’érable argenté et l’érable noir. Il semblerait que l’érable noir soit une essence meilleure pour la production que l’érable à sucre, mais c’est aussi une essence que nous retrouvons généralement plus dans le nord des États-Unis. Bref, c’est très peu documenté au Québec. Je n’ai pas les chiffres, mais ça ne me surprendrait pas qu’il y ait plus d’érables rouges entaillés que d’érables à sucre au Québec puisque l’érable à sucre est une essence qui prend beaucoup plus de temps à se développer de manière naturelle contrairement à l’érable rouge.

Au niveau du goût, c’est difficile à dire parce que tout au long de la saison des sucres, dépendamment de la température, des conditions climatiques qu’il y avait à l’automne, des quantités d’eau, etc., le goût du sirop peut varier et une grande partie du développement du goût se fait aussi par l’entremise du bouillage et de la cuisson du sirop, mais aussi par le maintien ou non de la propreté des équipements, du délai entre la récolte de l’eau et du bouillage, etc.

temps des sucres, Maximilien dans son érablière
Maximilien dans son érablière. Photo: Danielle Goyette
Concours Grande Sève
  • Catégorie Sirop 1 Médaille d’argent 2022  
  • Catégorie Sirop 2 Médaille de bronze 2022

Quant aux caractéristiques des deux principales essences d’érable, voici ce que je peux vous en dire:

– L’érable à sucre est un arbre qui vit généralement longtemps (100 ans et plus) et qui s’installe de manière naturelle sous le couvert d’autres essences d’arbres en attendant qu’ils meurent pour avoir accès à la lumière et être en mesure de se développer. C’est ce qu’on appelle une essence d’ombre et c’est ce qui caractérise le développement plus lent d’un peuplement d’érables à sucre. Il s’agit par contre d’un arbre robuste qui survit relativement bien à des bris ou des maladies. Les producteurs préfèrent les érables à sucre parce que l’eau qu’ils produisent est plus sucrée et demande donc moins de bouillage. Plus l’eau est sucrée, moins il en faut pour produire un gallon. 

– L’érable rouge, communément appelé « La plaine », est une essence qui a une durée de vie relativement courte (90 ans au mieux). C’est aussi une essence beaucoup plus fragile, particulièrement aux bris. Elle est cependant beaucoup plus agressive sur son développement et est capable de concurrencer des essences dites de lumière comme le tremble et le sapin, ce qui facilite beaucoup sa présence dans les forêts. Comme son eau est moins sucrée, les producteurs ont tendance à moins l’apprécier puisqu’il faut plus de sève que l’érable à sucre pour faire le même gallon. Certains disent qu’il y a des différences de goût, mais j’ai l’impression que ce n’est qu’une croyance ! »

la Roue des saveurs

Et en conclusion, nous avons demandé à Maximilien s’il pouvait nous glisser quelques mots à propos du sirop de bouleau. « Je ne suis probablement pas le mieux placé pour parler du sirop de bouleau, mais je sais que celui-ci est apprécié dans certaines cuisines parce que son goût est très neutre. Ce serait une façon de sucrer des desserts ou autres sans nécessairement avoir le goût particulier de l’érable. Beaucoup de gens ne voit pas plus loin que le sirop lui-même, mais le goût d’érable présent dans le sirop d’érable est unique et c’est pourquoi il est possible de faire des marinades, des vinaigrettes, des sauces ou autres qui sont incroyablement goûteuses. Par contre, c’est peut-être un goût qu’on ne veut pas retrouver dans certains desserts ou des sauces plus fines par exemple et le sirop de bouleau peut alors être une bonne alternative. »

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