Accompagner un ami en fin de vie

Lisette et son ami Albert qu’elle accompagne en fin de vie.
Lisette et son ami Albert qu’elle accompagne en fin de vie. Photo : Sylvie Grenon

Jordane Masson

Journaliste
03.12.2023

Dernière étape dans la vie de toutes personnes, période d’émotions fortes et de questionnements, le dernier souffle peut se vivre de différentes façons. De plus en plus de personnes souhaitent vivre ce moment difficile dans leur résidence, entourées des gens qu’elles aiment. Cette période critique, Lisette Proulx l’a expérimentée de près autant par le passé que récemment. Engagée comme accompagnante en fin de vie pour un ami, elle nous parle de ses hauts et de ses bas.

Les derniers moments, chez soi

Alors que le système de santé se voit de plus en plus surchargé, il devient considérable et avantageux d’obtenir des soins à domicile. Grâce à d’importants investissements depuis les dernières années, de nombreux services gratuits s’offrent à la population.

« Il y a eu une belle avancée de ce côté. On peut avoir un lit adapté, une toilette mobile, un fauteuil roulant, un déambulateur, des accessoires pour les soins d’hygiène et d’alimentation et même des draps électroniques qui détectent les mouvements du patient pour aviser le proche aidant quand il n’est pas dans la même pièce, etc. Bref, tout ce qu’il faut pour contribuer au meilleur confort possible du malade chez lui. En demeurant dans un lieu réconfortant, on diminue le risque que le patient soit désorienté. De plus, cela facilite les visites de la famille et des amis. »

De la visite, le patient n’en manque pas avec une infirmière qui vient régulièrement, des préposés qui viennent le laver, mettre ses bas de contention, prendre sa température, lui faire même sa manucure… Il peut avoir aussi la visite de massothérapeute, d’ergothérapeute, de kinésithérapeute et d’inhalothérapeute…

De son côté, Mme Proulx sert de présence permanente, sept jours par semaine, 24 heures par jour. Elle aide, entre autres, pour servir les repas et aider à manger, donner les médicaments et les déplacements. Faire le lit, refaire le lit et refaire le lit encore! Surtout, elle représente une présence essentielle tant physiquement que psychologiquement. « Mais avoir les visites fréquentes des différents intervenants m’aide beaucoup, car je peux discuter de certaines situations avec eux, ils m’apprennent des choses qui peuvent me servir entre autres dans les soins que je donne. Je peux les appeler jour et nuit pour offrir un soin ou pour une intervention au besoin. Une nuit, à 3 h du matin, j’ai eu un problème avec un papillon pour donner une injection, alors l’infirmière au bout du fil m’a accompagnée patiemment pour que je puisse donner l’injection de façon intramusculaire. Hier, mon ami malade a eu la visite du médecin. Le docteur est resté près de trois heures avec lui, pour discuter de ses soins, tenter de régler un problème médical qu’il vivait, répondre à ses questions et faire un suivi sur sa condition. »


« Accompagner un proche en fin de vie, c’est une expérience d’une grande intimité, remplie d’émotions et de moments touchants. On parle beaucoup, de choses simples et de choses profondes. Qu’est-ce qui va se passer? me demande-t-il. Évidemment, la personne vit beaucoup d’anxiété, et c’est mon rôle premier d’amenuiser ses inquiétudes. Il y a beaucoup de discussions, d’écoute et d’échanges. Le patient a besoin de chaleur et de contact humain pour être réconforté dans ce qu’il vit. »

Lisette Proulx


Engagée comme accompagnante en fin de vie pour un ami, Lisette Proulx a expérimenté les hauts et les bas de cette période critique.
Photo : Jules David

Des responsabilités

On peut dire que ce n’est pas tout le monde qui serait prêt à vivre cette expérience. Personne n’aime être en présence de la souffrance d’autrui, surtout lorsque les émotions viennent à fleur de peau. Pour Mme Proulx, il s’agit de sa troisième expérience d’accompagnement en fin de vie pour un ami.

« Je trouve cela parfois difficile. Évidemment, la maladie et la douleur apportent des changements d’humeur. Un instant, on rit, l’instant d’après, il y a de l’exaspération, de l’agitation, de la peur, du déni ou des pleurs, mais viennent aussi de la reconnaissance et beaucoup de tendresse. Tout ça, on le vit ensemble en montagne russe. Heureusement, je suis bien soutenue par les infirmières, tous les autres intervenants et on peut même avoir une travailleuse sociale au besoin. Elles me rappellent que les élans d’émotions sont normaux. À la longue, je me suis fait une carapace aussi. J’ai une meilleure compréhension du processus. »

Aussi, Mme Proulx a dû suivre certaines formations pour avoir de bonnes techniques lorsqu’elle déplace le patient ou encore pour bien doser et administrer les injections. En étant sur place en tout temps, elle demeure en première ligne pour réagir s’il y a un problème. Pour Mme Proulx, malgré les hauts et les bas, cette expérience lui apporte autant qu’elle donne.

« Je fais beaucoup d’introspection quand j’accompagne un ami en fin de vie. Pour moi, c’est une opportunité de démontrer de la bienveillance, et ça me permet de côtoyer la bonté de l’humain aussi. Il y a un cocon d’amour qui se forme autour du patient. La famille, les amis et même les voisins s’offrent pour m’appuyer au besoin, ils viennent l’écouter et lui tenir compagnie. Je peux en appeler certains même en pleine nuit pour venir m’aider. Surtout dans ce monde rempli de peur et de violence, vivre cela nous permet de partager un moment essentiel, c’est là que l’on peut rencontrer le meilleur de l’humain. C’est une expérience vraiment touchante à vivre et si enrichissante. Au début, quand je suis arrivée auprès de lui, je le touchais moins, à part pour les soins. Puis, peu à peu, de plus en plus souvent, il prend ma main, je prends sa main. Je mets ma main sur sa poitrine et ce doux contact physique tellement essentiel l’apaise beaucoup. On demeure ainsi, en silence, l’un près de l’autre, main dans la main. Et quand il est paisible, à ce moment-là, ça nous fait du bien à tous les deux tout simplement.

Il y a alors, parfois, des larmes silencieuses, mais aussi un léger sourire partagé inoubliable. »


Quelques statistiques sur l’aide médicale à mourir

En 2021, 10 064 cas d’aide médicale à mourir ont été déclarés au Canada, ce qui représente 3,3 % de tous les décès dans le pays.

• Le nombre de cas en 2021 représente un taux de croissance de 32,4 % par rapport à 2020. Toutes les provinces continuent de présenter une croissance constante d’une année à l’autre.

• En 2021, dans l’ensemble du Canada, une proportion légèrement plus élevée d’hommes (52,3 %) que de femmes (47,7 %) en ont bénéficié. L’âge moyen au moment où l’aide médicale à mourir a été administrée en 2021 était de 76,3 ans.

• Le cancer (65,6 %) est l’affection médicale sous-jacente la plus souvent citée dans la majorité des cas en 2021.

• En 2021, 44,2 % des procédures d’aide médicale à mourir ont eu lieu dans des résidences privées au Canada.

• En 2021, 487 personnes ont été jugées non admissibles à l’aide médicale à mourir, ce qui représente 4,0 % des demandes écrites.

• En 2021-2022, 5 % des Québécoises et des Québécois décédés ont reçu l’AMM dans leur trajectoire vers le décès (3 663 personnes).

• Le Québec représente 36 % des 13 241 AMM pratiquées au Canada en 2022, même si les Québécois ne forment que 22 % de la population canadienne. Le Québec demeure la province où l’on pratique le plus grand nombre d’aides médicales à mourir au pays.

Le Québec a été avant-gardiste au pays dans la réflexion sur l’aide médicale à mourir, étudiant la situation dès le début de 2010 et explorant déjà les meilleures pratiques à l’étranger. Cette pratique est intégrée depuis plus longtemps au sein des mœurs des Québécois qui voient là, de plus en plus, une façon de quitter plus dignement cette terre.

De plus en plus de médecins intègrent ce soin à leur pratique. Les données 2021-2022 démontrent qu’il y a eu une augmentation de 26 % des médecins qui ont participé à ce soin offert aux patients, comparativement à 2020-2021.

Source : 

https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/systeme-et-services-sante/rapport-annuel-aide-medicale-mourir-2021.html

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/depot-du-rapport-annuel-2021-2022-de-la-commission-sur-les-soins-de-fin-de-vie-le-quebec-continue-de-bien-faire-les-choses-en-matiere-daide-medicale-a-mourir-44654



Jordane Masson - Journaliste

Biographie de Jordane Masson

Journaliste
Native de Martinville, Jordane Masson habite à Compton depuis 2015, et elle a rejoint l’équipe de L’écho de Compton comme journaliste pigiste en 2017. En tant que journaliste pigiste, elle s’occupe de différentes chroniques comme L’écho des Petits, Compton au boulot, Je bénévole et Les Grandes Familles de Compton. Son travail lui demande donc de faire des entrevues, de prendre des photos et de rédiger des articles de différentes longueurs, selon le sujet. En plus de son travail pour L’écho, Jordane est coordonnatrice de la bibliothèque; elle participe à la gestion du milieu et à la programmation des activités, en plus d’animer certaines activités pour les jeunes.
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