D’une génération à l’autre
Par Jordane Masson
Lorsque, d’une génération à l’autre, le flambeau d’une même passion circule encore et toujours, n’est-ce pas un magnifique héritage? Avec toutes les possibilités d’avenir, les études, l’appel du voyage ou de la ville, très peu nombreuses sont les familles qui peuvent se vanter aujourd’hui d’habiter la même municipalité depuis six générations. C’est pourtant le cas de la famille Beaudoin. La troisième génération, M. Denis Beaudoin, nous parle de son histoire.
Une longue marche
Comme l’historique de Compton en fait mention, plusieurs francophones sont partis de la Beauce pour s’établir dans notre région à partir des années 1890. C’est bien de là, dans le coin de Shenley à l’époque, que partirent le producteur laitier, M. Urbain Beaudoin, et sa femme, Délia Blais, en 1918, pour s’établir à Compton sur ce qui deviendra plus tard la route 147. « Ils sont partis à pied en guidant leur troupeau de cinquante têtes. La première année qu’ils sont arrivés, la ferme a pris feu trois fois, tout ça à cause d’un voisin jaloux qui aimait la fille de mon grand-père! » Heureusement, avec les années, le troupeau doublera, amenant une certaine prospérité.
Première et deuxième relèves
L’un des fils du premier mariage, Napoléon Beaudoin et sa conjointe, Éliane Boivin, bâtiront leur propre maison et poursuivront dans la production laitière à leur tour dans notre belle municipalité. Comme c’était courant à l’époque, le jeune Napoléon avait quitté l’école après sa quatrième année du primaire pour rapidement donner un coup de main sur la ferme et y apprendre le métier.
En 1965, son fils, Denis, prend officiellement la relève. Le père et le fils travailleront ensemble pendant plusieurs années. L’amour du métier était déjà présent, dès la prime jeunesse : « À l’âge de neuf ans, je trayais trois vaches!, nous raconte Denis. C’est la traite qui m’a toujours le plus passionné, j’aimais le contact avec les animaux. » M. Beaudoin épouse Pierrette Prévost avec qui il aura six enfants : Christine, Daniel, Sonia, Pierre, Annick et la petite Marie-Hélène qui, malheureusement, décédera à la naissance. Ayant appris la traite à la main avec son père, il devra rester informé pour pouvoir évoluer en même temps que l’agriculture. « Rapidement, j’ai fait ajouter un pipeline direct pour la circulation du lait. Aussi, à un moment donné, il a fallu engager un livreur pour aller porter le lait à Sherbrooke. Des années plus tard, comme aujourd’hui, tout s’en va dans une usine, comme Agropur, qui met le lait en pinte. »
Une quatrième génération
En 1988, la ferme Beaudoin et Fils SENC naît officiellement sous les noms d’un autre père et de son fils, Denis et Daniel Beaudoin. « Un matin, mon fils me dit Je ne vais plus à l’école. » Je lui ai dit : « Qu’est-ce que tu vas faire? » et il m’a répondu J’ai de l’ouvrage sur la terre. À partir de là, il est toujours resté pour travailler sur la ferme. » D’autres changements se feront au fil du temps comme la construction d’une nouvelle grange pour permettre la stabulation libre. En 1995, le fils rachètera l’entreprise avec sa conjointe, Pauline Samson. Cette dernière est une passionnée d’horticulture et d’agriculture biologique. Une belle influence qui mènera à une certification biologique pour le fourrage, la production laitière et la culture fruitière en 2001. Le lait biologique produit se retrouve maintenant via la laiterie La Pinte qui a ouvert en 2016 à Ayer’s Cliff et qui offre des laits locaux dans des bouteilles de verre.
Les technologies arrivent
C’est en 2008 que le petit-fils, Steve Beaudoin, s’associe à son tour à la ferme familiale et apporte son grain de sel après avoir fait ses études au CRIFA et au Cégep. « Lorsque Steve allait à l’école, il fréquentait des amis qui utilisaient la traite robotisée à leur ferme. Il en a parlé avec son père, Daniel, et, ensemble, ils ont décidé d’acheter un premier robot pour l’essayer. Après quelque temps, ils en ont acheté un deuxième! » Pour les producteurs n’ayant aucun employé, la mise en place de nouvelles technologies, comme le robot de traite, offre un bon coup de main et libère pour d’autres tâches.
Nouvelles productions
La famille Beaudoin décidait, en 2007, de diversifier leur production en plantant des arbres et arbustes fruitiers sur trois hectares de leur terrain. Tout ce travail conduira, en 2011, aux Délices de Compton qui produit des cerises acides, des camerises, des bleuets, des amélanches, des poires et des raisins de culture biologique. Ils offrent aussi plusieurs produits dérivés de leurs fruits. De plus, en 2018, Jimmy Beaudoin, l’aîné de Daniel, part le projet de Cidrerie Compton avec sa mère Pauline et sa conjointe Ève Grenier. Au verger, se rajoutent alors quelques pommiers pour obtenir des pommes à cidre biologiques.
Il n’y a pas à dire, six générations passionnées d’agriculture, voilà une recette gagnante. Surtout, une famille aussi proche capable de travailler ensemble avec ses forces et ses faiblesses, ouverte à l’innovation et remplie d’idées aussi savoureuses les unes que les autres. Espérons avoir des Beaudoin encore longtemps dans notre dynamique Compton!