Enseigner la persévérance
Après avoir vécu à Saint-Jean-sur-Richelieu, à Sherbrooke, à Bishopton, puis à Bury, Jacinthe Audet s’installe définitivement à Compton en 2012. Avec son conjoint, Pierre Cloutier, ils ont deux garçons âgés de onze et neuf ans, Loïc et Antoine. Mme Audet détient le poste d’enseignante au primaire à l’école Louis-St-Laurent depuis 2011. Elle nous parle de son expérience en tant qu’enseignante, mais aussi en tant qu’élève!
Parlez-nous de votre parcours.
Au primaire, je vivais des difficultés. Je faisais beaucoup de fautes d’orthographe. Par contre, j’adorais les animaux. Au secondaire, j’ai appris qu’il fallait une moyenne de 80 % pour devenir vétérinaire. Je me suis donc mise à travailler fort pour améliorer mes notes. En secondaire trois, j’ai eu une enseignante qui m’a guidée dans ce que j’avais à travailler. En fait, je pensais que je n’étais pas bonne, mais elle a su me pointer mes difficultés. À partir de là, j’ai décidé de suivre le cours Grammaire + pour m’améliorer. Ça m’a beaucoup aidé à revoir et à mieux comprendre ce que je n’avais pas bien intégré au primaire. J’ai terminé mon secondaire avec une moyenne de 88 %! Finalement, j’ai décidé d’aller étudier en anglais au Collège de Champlain dans le programme Langues et Lettres. Là-bas, j’ai eu la chance de faire un stage au Pérou. J’y ai fait trois métiers différents, dont l’enseignement de l’anglais aux adultes et aux jeunes. C’est là que j’ai eu la piqûre pour l’enseignement et le contact avec les enfants. Toutes ces expériences m’ont amenée à faire un BAC de quatre ans en enseignement du primaire. Je suis maintenant enseignante depuis 2003.
Comment se sont passées vos études universitaires?
Mon stage de première année à l’université consistait surtout à faire de l’aide aux devoirs, ce que j’ai moins aimé. Je savais que j’aimais surtout le contact avec les jeunes. J’avais aidé ma voisine dans son service de garde et j’hésitais encore entre le rôle d’enseignante et celui d’éducatrice à la petite enfance. J’aimais m’occuper des enfants et les aider à grandir. Pendant mon deuxième stage, j’ai eu des difficultés qui m’ont fait douter. Je me suis demandé si c’était ma place ou non. J’ai décidé de me retrousser les manches, car j’aimais tellement être dans la classe avec les élèves. Je me suis rendu compte que j’adorais leur enseigner des choses et les voir évoluer, donc j’ai poursuivi mes cours. Pendant mes deux dernières années, j’ai eu des enseignantes d’expérience qui m’ont inspirée. À travers mes maîtres de stages qui me faisaient me questionner et qui ont su me guider, j’ai beaucoup appris et j’en suis vraiment reconnaissante.
Parlez-nous de vos débuts et de ce qui vous a amenée à Compton.
Mes premières années comme enseignante ont été assez difficiles, car il n’y avait pas de poste disponible. Je pouvais être appelée tôt le matin pour du remplacement à n’importe quelles écoles de mon secteur. Ce n’est plus aussi fréquent aujourd’hui, mais, pour moi, il aura fallu dix ans avant que j’obtienne un poste permanent. Pour l’avoir, il fallait le faire pendant deux ans et un jour sans que ce soit un remplacement. Après mon congé de maternité et avec mon ancienneté, j’ai pu choisir parmi certaines écoles, dont l’école Louis-St-Laurent de Compton. J’en avais entendu parler en bien par mes collègues, alors j’ai opté pour elle. J’ai été vraiment impressionnée par la communauté tissée serrée qui s’implique dans la vie des enfants. Quand je suis rentrée, j’enseignais à un groupe de 2e et 3e années, puis je me suis retrouvée avec seulement des 3e années pendant neuf ans. Pour 2021-2022, j’ai changé de niveau pour enseigner en 1re année.
Quels sont vos défis au travail?
De mon côté, j’ai beaucoup de difficulté à me mettre une limite dans le temps que je me mets à la préparation de mes cours et aux suivis d’élèves. Il faut penser que nous avons une vingtaine d’enfants dans une classe, donc je peux avoir près de cinq suivis à faire dans une soirée! La réussite d’un élève, ça va avec son entourage, donc c’est important de créer une belle collaboration avec les parents, et ça demande aussi du temps. Également, je trouve difficile de donner une note à mes élèves. C’est quelque chose que l’enfant ne voit pas toujours positivement. En 3e année, ce que j’essayais de leur expliquer, c’est de voir cette note comme une photo qu’on a prise d’eux pendant cette période. Ça démontre leur développement et qu’est-ce qu’ils ont à travailler. Un enfant qui passe de 30 % à 45 %, ça me rend fier, même si le jeune peut le voir négativement. Pourtant, combien d’élèves réussissent à s’améliorer de 15 %? C’est ça du travail et de la persévérance!
Qu’est-ce qu’un ou une technicien·ne en éducation spécialisée (T.E.S.)?
À l’école, ce sont des personnes qui se spécialisent avec les enfants qui ont des troubles assez importants comme des troubles du langage, le spectre de l’autisme, le syndrome de Gilles de la Tourette, des troubles de comportement, etc. De base, en tant qu’enseignante, je ne suis pas formée pour intervenir avec ces types de troubles, mais nous en avons de plus en plus dans nos classes. Aussi, pour avoir du temps de T.E.S., il faut que l’enfant ait reçu une identification de son trouble, les heures fournies deviennent alors obligatoires et assurent le soutien d’un ou d’une T.E.S. Sinon, depuis trois ou quatre ans, le gouvernement offre au premier cycle de toutes les écoles un 10 h par semaine avec une T.E.S. même s’il n’y a pas eu de diagnostic. Heureusement, car c’est vraiment aidant dans la gestion d’une classe. Elles vont aussi aider au niveau des suivis. Alors que j’ai une vision basée sur l’enseignement et la compréhension des apprentissages, les T.E.S. vont plutôt observer le comportement et tout ce qui tourne autour de l’aspect social de l’enfant. Personnellement, je mettrais des T.E.S. dans chaque classe et à temps plein!
Comment amener les enfants à persévérer au niveau scolaire?
J’essaie toujours d’expliquer à mes élèves et aux parents qu’il faut d’abord savoir quelles sont nos difficultés pour travailler dessus. Ensuite, le réseau de l’enfant est très important. Il doit savoir que ses parents sont là et qu’ils croient en lui. Aussi, de savoir qu’il y a toujours des solutions et des ressources accessibles. Il faut arrêter de se comparer aux autres et comprendre que nos difficultés ne nous identifient pas. Si on me prend en exemple, j’ai échoué des cours, mais j’ai travaillé fort, j’ai persévéré et je suis maintenant enseignante depuis dix-neuf ans! Surtout, se fixer des objectifs et avoir un but, c’est ce qui motive le plus!