Native de Compton, Mme Jacinthe Fecteau fait partie de la quatrième génération à reprendre la ferme paternelle de Conrad Fecteau. Mère de trois garçons, elle s’investit depuis plusieurs années à la Coopérative funéraire de Coaticook. Entre autres, elle a participé, en tant qu’intervenante, à la création de La Traversée, un groupe d’entraide et de soutien aux endeuillés. Mis sur pause depuis la pandémie, ce programme fort apprécié devrait redevenir fonctionnel sous peu.
Parlez-nous de votre parcours.
Suite à mes études à l’Université de Sherbrooke en théologie et en psychologie, j’ai obtenu mon BAC en ressources humaines. Par la suite, j’ai été approchée par la directrice de la Coopérative funéraire de Coaticook de l’époque, Jenny Charbonneau, qui voulait partir un groupe pour les endeuillés. Elle avait entendu dire que ce type de programme s’offrait à Thetford Mines. Nous sommes donc allées ensemble rencontrer les personnes responsables pour voir leur fonctionnement. En 2004, La Traversée prenait vie, et j’occupais le poste d’intervenante pour personnes endeuillées, en plus d’être conseillère aux familles pendant quelques années.
En quoi consiste La Traversée?
Son objectif premier est de donner un espace et un moment possible pour permettre aux endeuillés d’exprimer leur tristesse, leur souffrance et leurs émotions en toute confiance. Ce service est offert gratuitement à toute personne vivant un deuil récent ou non. Constitué de cinq à quinze participants en plus de bénévoles, ce programme se déroule sur dix rencontres hebdomadaires, dans un local de la Coopérative funéraire de Coaticook, d’une durée d’environ deux heures. Chaque rencontre a une thématique. Même si je guide la discussion, les experts, ce sont les endeuillés autour de la table, car ils s’aident en partageant leur vécu et leurs connaissances.
Quel est votre rôle en tant qu’intervenante pour personnes endeuillées?
Moi, je suis surtout là pour écouter. C’est ainsi que j’arrive à ressentir les gens autour de la table et cela me permet de faire ressortir ce qui n’a pas été nommé. Je donne des outils que les participants sont libres d’utiliser ou pas. Comme exemple, je propose des avenues pour aider à vivre la prochaine date anniversaire de l’être perdu ou le premier Noël sans lui. Je suis principalement dans l’empathie. En gros, je fais de la relation d’aide.
Comme le dit si bien Jean Monbourquette : « Il n’y a pas mille manières de vaincre un deuil : les larmes et les mots. »
– Jacinthe Fecteau
Comment vit-on le deuil, selon votre expérience?
Lorsque nous perdons un être cher, c’est une partie de notre vie qui vient de se transformer. Plus les liens qui nous unissaient étaient importants, plus grand est notre deuil. Nous avons alors besoin de parler encore et encore de ce qui nous arrive, d’évoquer des souvenirs, d’exprimer nos regrets, etc. Nous avons besoin de savoir que d’autres personnes nous comprennent et partagent notre traversée. Les gens qui nous aiment ont tendance à nous faire changer de sujet et à vouloir nous changer les idées, tout cela par amour. Nous finissons souvent par nous taire. Pourtant, nous avons simplement besoin d’en parler et de vivre notre deuil. C’est donc la force d’un groupe d’endeuillés, car il se compose de personnes qui vivent une même blessure et qui veulent se guérir et s’entraider.
Avez-vous d’autres conseils pour les personnes endeuillées?
On a beau mettre le deuil dans un petit tiroir à cadenas dans notre tête, parce qu’on a trop mal et qu’on ne veut pas y penser, le cadenas finit toujours par sauter. C’est important de vivre son deuil. On a le droit de s’offrir une pause aussi. Il ne faut pas non plus tomber dans la culpabilité et s’obliger à pleurer 24 heures sur 24 parce qu’on se sent mal de ne pas penser à l’être cher. C’est aussi de prendre conscience qu’on a encore le droit de rire et de s’amuser. En fait, c’est sans aucun doute ce que la personne perdue voudrait de toute façon. Bref, c’est surtout important de prendre du temps pour pleurer, pour parler et demander de l’aide autour de nous. Notre famille et nos amis veulent nous aider, mais ne savent pas toujours comment, donc il faut leur nommer nos besoins. Ils seront contents de le faire, il faut juste le demander. Chaque deuil a le droit d’être vécu.
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