Tripler sa production laitière, est-ce vraiment nécessaire ?
Texte d’opinion
Le 6 avril dernier, je suis allé entendre la présentation de la ferme Breault & Frères inc. au sujet de leur demande auprès du ministère de l’Environnement afin d’augmenter leur cheptel actuel de 1032 unités animales à 3366 unités animales pour leur dernière phase de développement de 2030 à 2040.
Rappelons qu’une unité animale équivaut à une vache. Les commentaires des citoyens portaient sur les effets de l’apport d’eau nécessaire pour un tel troupeau. La firme de consultants (Lemay\Choinière) se voulait rassurante : « S’il n’y a pas le potentiel nécessaire au projet, on s’ajustera ». Ils ont aussi évoqué la capacité de recharge de l’eau souterraine. À ce sujet, certains voisins ont décrit que déjà leurs plans d’eau subissent des baisses significatives, sans compter qu’en 2021, certains fermiers de Coaticook ont dû importer de l’eau. Une réserve d’eau souterraine est une éponge servant à alimenter nos puits artésiens et lorsque cette réserve est saturée, elle se déverse dans nos affluents. Est-ce que la future demande de la ferme Breault affectera nos ruisseaux? Quelle sera la qualité future de cette eau ? Le SADD (Schéma d’aménagement du développement durable de la MRC) mentionne que la vulnérabilité de l’eau à Compton est élevée (indice DRASTIC à 160). On la qualifie de faible lorsqu’elle se situe entre 23 et 84.
Un producteur agricole me disait qu’avec 200 vaches, il fait vivre deux familles. Les Breault comptent cinq familles, ils fonctionnent déjà à plus ou moins 700 vaches. La présente demande de méga ferme se fera au détriment d’une multitude de projets agricoles permettant d’obtenir notre souveraineté alimentaire qui a besoin de diversifications. L’accaparement des terres requis pour ce projet risque de restreindre les possibilités d’implantations de futures relèves agricoles. Cette vision va à contre-courant d’une volonté collective de plus en plus prononcée de diminuer nos empreintes environnementales. Les nouvelles générations qui sont au fait des changements climatiques, de la pollution de l’eau, de la terre et des effets de regrouper un grand volume d’animaux au même endroit, etc., nous poussent à nous questionner et à agir différemment. Le message de sobriété, de décroissance doit maintenant faire partie de nos réflexions et de nos choix.
La viabilité économique de nos productions laitières n’est pas à craindre, étant donné la gestion de l’offre qui répond aux aléas du marché. Elle assure une certaine stabilité aux producteurs agricoles qui agissent avec sagesse. D’ailleurs, lors de cette soirée, la ferme Breault & Frères inc. nous l’a bien démontré, alors pourquoi en vouloir plus.