L’année COVID aux Vallons maraîchers

Le producteur Jacques Blain en tracteur dans son champ
Jacques Blain à l'oeuvre

Jacques Blain

20.04.2021

Jacques Blain – Les Vallons maraîchers

« Je ne sais pas si 2020 passera à l’histoire, en tout cas, elle nous en aura fait voir de toutes les couleurs aux Vallons maraîchers ! Tout d’abord, en mars, nous avons décidé d’annuler nos précieuses vacances annuelles où nous devions retrouver nos amis français en Bretagne. Sage décision, car le matin même où nous devions atterrir à Paris, la France annonçait qu’elle instaurait le confinement. Aussi, avec un début de saison éminent, nous ne voulions pas nous retrouver en quarantaine pour deux semaines à notre retour. Par contra, ainsi, nous n’avons pas pu recharger nos batteries, mais nous avons évité ces semaines de vie cloîtrée.

La production maraîchère exige beaucoup de main-d’oeuvre. La production maraîchère biologique diversifiée en demande encore plus. Soit une cinquantaine de personnes en période de pointe, dont 12 travailleurs étrangers temporaires, pour produire 90 acres de légumes. C’est justement cette ressource humaine inestimable qui était, et qui est encore, la cible de ce nouveau Coronavirus.

En agriculture, nous sommes habitués de vivre avec le stress des aléas climatiques, avec le stress de l’incertitude des marchés, mais nous n’étions pas préparés au stress que nous ferait vivre cette crise sanitaire soudaine. Toute l’économie a été mise sur pose. Certains secteurs ont été reconnus essentiel dont l’agriculture. Nous pouvions donc poursuivre notre humble mission de nourrir les gens. Des protocoles sanitaires rigoureux et contraignants, changeant de jour en jour, ont été élaborés par la santé publique pour assurer la sécurité des travailleurs et des consommateurs. À la fin mars, notre équipe comptait seulement une quinzaine d’employés réguliers. Serions-nous capables de recruter suffisamment de main-d’oeuvre locale ? Voudrait-elle venir risquer sa santé ? Est-ce que nos travailleurs étrangers seraient autorisés à venir ? Si oui, seraient-ils capables de venir ? Voudraient-ils laisser femme et enfants derrière eux dans de telles circonstances ? Combien viendraient ? Devant ces incertitudes, nous avons même envisagé de ne cultiver que 50 % de nos superficies habituelles. Nous avons finalement décidé de poursuivre avec notre planification habituelle, de faire confiance à la vie et de s’ajuster au fur et à mesure.

Nos employés réguliers ont fait preuve de dévouement pour mettre en place toutes les mesures exigées par la santé publique et pour permettre à la ferme d’accomplir sa mission de nourrir la population. Certains se sont faits recruteurs, formateurs, informaticiens, acheteurs de matériel sanitaire, pourchasseurs de symptômes covidiaux… Puis, le gouvernement fédéral a enfin autorisé les travailleurs étrangers à venir. Les nôtres sont arrivés avec quatre semaines de retard et une quarantaine de 14 jours à faire en plus. Malgré tout, nous avons été chanceux, car les 12 travailleurs prévus sont venus. En attendant, grâce à des programmes gouvernementaux, des travailleurs de la restauration et du tourisme sont venus en renfort pour la période intense de la récolte d’asperges et les plantations. Puis, ils sont graduellement retournés à leur métier habituel au fur et à mesure que leur secteur d’activité rouvrait. Pandémie aidant, une dizaine d’étudiants ont choisi de s’initier à l’agriculture pour l’été, et ils ont été d’une grande aide.

Les travailleurs étrangers à l’oeuvre.

Je ne saurais vous dire combien de dossiers de paies j’ai ouverts et refermés la semaine d’après. Je ne saurais vous dire aussi le nombre de candidats qui ont essayé quelques heures, une demi-journée, une journée ou au plus quelques jours avant d’abandonner sous leurs douleurs musculaires ou par la soi-disant monotonie du travail. Pas si facile que cela le travaille agricole ! À ceux qui ont persévéré, je leur dis un grand merci. Tous ceux qui ont persévéré ont trouvé le travail valorisant, mais grandement sous-payé.

Il fallait aussi empêcher à tout prix la COVID d’entrer à la ferme, car les légumes, eux, n’auraient pas arrêté de pousser durant une éventuelle quarantaine de 14 jours. Nous avons eu chaud, mais la stratégie des petites unités de travail a été salutaire.

Finalement, malgré la pandémie, les mesures sanitaires, le manque de main d’oeuvre et la sécheresse, nous avons réussi à récolter 82 des 90 acres cultivés en légumes. Pas si mal pour une année qui s’annonçait catastrophique, mais au prix de poches supplémentaires sous les yeux et d’une multitude de cheveux gris ajoutés prématurément.

En contrepartie, 2020 nous aura permis de rattraper un peu de retard dans le domaine informatique notamment pour la vente en ligne et les paiements par cartes. Nous savons maintenant que nous sommes capables de nous adapter, individuellement et collectivement, à des situations périlleuses. Selon nous, le plus important réside dans la prise de conscience des consommateurs de l’importance de la souveraineté et de l’autonomie alimentaire. Les consommateurs ont été nombreux à acheter des plants et des semences pour expérimenter le jardinage. Ils ont donc réalisé la discipline et le travail nécessaires pour pouvoir récolter de bons légumes. Ils ont aussi été nombreux à rechercher des produits locaux dans les marchés publics. Ce dont nous sommes le plus satisfaits, c’est que des jeunes ont découvert l’agriculture et se sont sentis valorisés en vivant, le temps d’un été, la réalité agricole. Pour y avoir consacré beaucoup d’effort, y avoir retiré beaucoup de satisfaction (mais pas beaucoup d’argent), avoir travaillé en équipe à la cause commune de nourrir les gens et avoir travaillé avec et dans la Nature, ils et elles se souviendront toute leur vie de cette année 2020 !

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