Série Cimetières : Le cimetière Ives Hill

Jeanmarc Lachance

Président de la Société d’histoire de Compton
01.04.2022

PHOTOS: JEANMARC LACHANCE

Il y a tout lieu de croire que le cimetière Ives Hill aurait d’abord été un cimetière familial qui, petit à petit, s’est transformé en cimetière de proximité desservant les familles des environs. À défaut d’une organisation religieuse ou civile offrant un lieu d’inhumation à leurs adhérents ou à leurs ressortissants, des familles de diverses confessions protestantes réservaient, à même leurs terres, un espace qui leur servait alors de cimetière. C’est ce qui explique l’existence de cimetières familiaux créés lors de la Réforme protestante en Europe d’où sont venues les familles pionnières des colonies de la Nouvelle-Angleterre et dont certains descendants sont venus s’établir dans les Eastern Townships.

À l’époque où les Ives arrivent à Compton, les familles pionnières sont plutôt dispersées sur le territoire du Township of Compton et doivent, le plus souvent, ne compter que sur elles-mêmes. Progressivement, d’autres familles se sont ajoutées dans le voisinage, formant la petite communauté d’Ives Hill.

Le cimetière Ives Hill; à gauche, le monument d’albert O. Farwell (1840-1916) et de son épouse Abigail Hitchcock (1848-1918).

Situé sur le chemin Ives Hill, le cimetière est situé sur une colline qui domine les environs; de là, le point de vue est remarquable. Il occupe une parcelle du lot 24 du VIIe rang acquis par Eli Ives. Suite à la réforme cadastrale, le lot du cimetière porte dorénavant le numéro 1 802 810 au Cadastre du Québec.

L’inventaire des inscriptions du cimetière Ives Hill qu’en a fait monsieur Leslie Nutbrown en 2005, et dont la dernière révision a été réalisée en 2020, répertorie 96 inscriptions. La plus ancienne est celle d’Artimissia Ives, fille d’Eli Ives et d’Artimissia Bullock décédée à l’âge de 5 ans en 1832; la plus récente, celle de Marjorie Thelma Lane décédée en 2007. Les patronymes les plus fréquents sont les Farwell qui comptent vingt-quatre inscriptions (25 %), suivent les neuf inscriptions ayant le patronyme Ives et sept autres reliées à la famille Lane.1

Stèle funéraire de Frédérick G., fils d’Arlen [Alvin] Farwell et de Catharine M. Draper, décédé en 1858 à l’âge de 25 ans et 8 mois.

Bien entretenu, le cimetière a de particulier que certains monuments font face à l’est et d’autres, à l’ouest. La symbolique funéraire utilisée est peu diversifiée; notons cependant l’utilisation, à quelques reprises, du saule pleureur. « Associé à la notion de tristesse, de peine et de chagrin, le saule pleureur évoque par ses branches souples et pendantes les larmes du deuil. »2

Les Ives

Nous en avons déjà fait état dans L’Écho du mois dernier, la famille Ives s’établit à Compton entre 1825 et 1831. Originaire du Connecticut, elle est une des rares familles établies à Compton clairement identifiée comme étant loyaliste3, de ceux et celles qui, par fidélité à la Couronne britannique, ont migré vers le Canada suite à la Déclaration de l’Indépendance des treize états unis de la Nouvelle-Angleterre. Les différents recensements nous apprennent que la famille va compter dix enfants dont sept atteindront l’âge adulte. Au plan religieux, les membres de la famille fréquentent l’église méthodiste wesleyenne de Compton où ils se sont impliqués4.

Monument en souvenir de Cornelius Ives (1827-1911), de Ellen Maria Farwell (1836-1903), et de leurs filles Edna Maude et Ellen Louise.

Eli Ives est cultivateur sur la ferme du rang VII et c’est Thaddeus O., leur fils cadet, qui prendra la relève. Ce dernier meurt en 1899. Au recensement de 1901, son épouse Sarah L. Tiffany habite au village avec cinq de leurs enfants. En 1911, et dans les recensements subséquents, aucune personne portant le patronyme « Ives » n’apparaît à Compton.

Le plus connu des enfants Ives est William Bullock. Né en 1841, il fréquente fort probablement l’école de rang de Ives Hill avant de terminer ses études à la Compton Academy. Poursuivant ses apprentissages, il entreprend une formation en droit et est reçu avocat en 1867. En 1869, il épouse Elisabeth Emma Pope, fille du sénateur John Henry Pope et de Percis Maria Bailey de Cookshire.  

William Bullock Ives en juillet 1891, Bibliothèque et Archives Canada, Fonds Topley Studio, ID 3217060.

Outre sa carrière d’avocat, William Bullock Ives est un homme d’affaires averti, impliqué avec des membres de la famille Pope, évoluant dans l’industrie du sciage, de l’élevage de bétail et de la construction ferroviaire. Au plan politique, il sera conseiller (1875) puis maire de Sherbrooke (1878), député conservateur de Richmond-Wolfe à la Chambre des Communes (1878-1891) et député de Sherbrooke (1891-1899). À Ottawa, il préside le Conseil privé de 1892 à 1894 et dirige le ministère du Commerce de 1894 à 1896.

 William Bullock Ives est décédé en 1899 et a été inhumé au cimetière Elmwood à Sherbrooke.


  1. Ives Hill Cemetery – Compton County, Quebec (interment.net) [Consulté le 15 février 2022].
  2.  Patri-arch, Inventaire des cimetières et croix de chemin de la MRC de Coaticook, mai 2011, page 153 –Inventaire des cimetières et croix de chemin (mrcdecoaticook.qc.ca) [Consulté le 12 mars 2022].
  3. Jean-Pierre Kesteman, « IVES, WILLIAM BULLOCK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003 – http://www.biographi.ca/fr/bio/ives_william_bullock_12F.html. [Consulté le 16 mars 2022].
  4. L’église méthodiste wesleyenne est devenue, en 1925, l’Église unie du Canada (United Church of Canada). Elle était située à l’emplacement actuellement occupé par la Boucherie Blouin.



Jeanmarc Lachance, Compton, Société d'histoire

À propos de Jeanmarc Lachance

Président de la Société d’histoire de Compton
Né à Compton, Jeanmarc Lachance étudie au Séminaire de Sherbrooke où il complète son cours classique puis, à l’Université de Sherbrooke, des études universitaires en service social. Sur le plan professionnel, il débute sa carrière à Montréal puis revient à Sherbrooke en 1980 comme gestionnaire de services sociaux aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Passionné de généalogie, d’histoire et de patrimoine, il est le président de la Société d’histoire de Compton. Il contribue, par diverses conférences et ses chroniques dans L’écho, à la mise en valeur du patrimoine comptonois et des événements qui ont marqué notre histoire collective.
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